Les Colosses de Memnon, deux sculptures monumentales vieilles de plus de 3 300 ans, dominent majestueusement la rive ouest de Thèbes. Ces gardiens de pierre, pesant chacun 800 tonnes et s'élevant à 18 mètres de hauteur, témoignent de la grandeur de l'Égypte antique.
En effet, ces statues colossales faisaient autrefois partie du plus grand complexe cultuel de la rive ouest de Thèbes, le temple d'Amenhotep III.
Le plus fascinant reste sans doute le phénomène mystérieux du "chant" qui émanait de la statue nord au lever du soleil, attirant de nombreux pèlerins et voyageurs de l'antiquité.
Aujourd'hui encore, ces monuments continuent d'intriguer les visiteurs, non seulement par leur taille impressionnante, mais aussi par les légendes qui les entourent et leur importance historique.
Cette histoire extraordinaire mérite d'être explorée en détail, des défis de leur construction jusqu'aux efforts actuels de préservation.
Le règne d'Amenhotep III marque l'apogée de la civilisation égyptienne antique, une période de prospérité exceptionnelle qui a donné naissance aux célèbres colosses de Memnon.
Neuvième pharaon de la XVIIIe dynastie, Amenhotep III a régné de 1386 à 1353 avant notre ère. Fils de Thoutmôsis IV et de Moutemouia, son règne représente une période de paix et d'opulence sans précédent.
Sous sa gouvernance, l'Égypte atteint son apogée tant sur le plan international qu'artistique. Notamment, il se distingue comme l'un des plus grands bâtisseurs de l'histoire égyptienne, commandant pas moins de 250 monuments, temples et statues à travers l'Égypte.
Les colosses, sculptés dans du grès quartzite, proviennent des carrières près du Caire moderne. Chaque statue, représentant Amenhotep III assis sur son trône, atteint une hauteur impressionnante de 18 mètres et pèse environ 720 tonnes.
Par ailleurs, ces monuments colossaux ont été stratégiquement positionnés face à l'est, regardant vers le soleil levant et le Nil.
Le complexe du temple d'Amenhotep III, surnommé "la maison de Nebmaâtrê en tant que splendeur d'Aton", était véritablement monumental. En effet, il s'étendait sur un vaste rectangle de 600 mètres sur 100.
Le site comportait :
Trois pylônes monumentaux
Une cour hypostyle impressionnante
Un lac artificiel d'un kilomètre de long, créé en seulement 15 jours
Malheureusement, ce temple grandiose n'a pas résisté à l'épreuve du temps. Des séismes, notamment durant le règne de Ramsès II et en 27 avant notre ère, ainsi que la proximité du Nil, ont accéléré sa destruction.
En outre, les pierres du temple ont servi de carrière dès l'antiquité, comme en témoignent les reliefs retrouvés dans le temple de Mérenptah.
Les fouilles récentes, initiées dans les années 2000, ont permis de redécouvrir de nombreux vestiges, notamment des statues colossales d'Amenhotep III et une grande stèle commémorative de son règne.
Ces découvertes continuent d'enrichir notre compréhension de ce complexe architectural extraordinaire qui dépassait même en taille le célèbre temple de Karnak.
La construction des colosses de Memnon représente un exploit technique remarquable de l'Égypte antique, notamment par l'utilisation de méthodes sophistiquées et le choix minutieux des matériaux.
Les artisans égyptiens employaient une méthodologie précise pour façonner ces monuments colossaux. Notamment, la sculpture débutait par le tracé des contours en rouge sur le bloc de pierre.
Par ailleurs, les outils principaux comprenaient des ciseaux en cuivre pur et des polissoirs, accompagnés parfois d'un maillet en bois.
Le processus de construction suivait plusieurs étapes méticuleuses :
Le dégagement initial de la silhouette à l'aide de pierres plus dures
Un premier polissage utilisant une pâte abrasive à base de quartz
La retaille de la silhouette à la scie pour effacer les lignes rouges
Un second polissage pour affiner les détails
Le perçage final des éléments comme les yeux et les oreilles avec un foret en silex
Des traces d'outils, particulièrement visibles sur le colosse nord, témoignent de ces techniques ancestrales.
Ainsi, les constructeurs ont dû résoudre des défis considérables pour ériger ces masses rocheuses, trois fois plus lourdes que les obélisques traditionnels.
Le choix du quartzite comme matériau principal ne devait rien au hasard. En effet, la majorité des égyptologues s'accordent sur la provenance des mégalithes : la carrière de Gebel el-Ahmar, située près du Caire.
Cette roche présentait des caractéristiques particulières, notamment une orientation différente des couches entre les deux colosses. Le colosse sud possède des couches verticales, tandis que le colosse nord présente des couches horizontales.
Par ailleurs, le transport de ces blocs monumentaux constituait un défi logistique majeur. Les pierres, trop lourdes pour être transportées par voie fluviale, devaient être acheminées par voie terrestre sur une distance considérable.
Les constructeurs utilisaient probablement des traîneaux, similaires à ceux employés pour le transport des blocs des pyramides de Gizeh.
La technique de construction impliquait également une connaissance approfondie des propriétés des matériaux. Les artisans égyptiens avaient notamment conscience de la fragilité de certains matériaux comme le bois et l'ivoire, ce qui les conduisit à privilégier des roches plus durables pour leurs monuments.
Cette évolution vers une statuaire monolithique témoigne de leur maîtrise technique croissante.
Un phénomène acoustique extraordinaire a fait la renommée des colosses de Memnon pendant près de deux siècles.
En effet, la statue nord émettait un son mystérieux au lever du soleil, captivant ainsi l'imagination des visiteurs antiques.
Le phénomène sonore s'est manifesté après un tremblement de terre en 27 av. J.-C., qui endommagea partiellement la statue nord. Les scientifiques modernes attribuent ce son à des causes naturelles.
Notamment, la dilatation thermique de la pierre au contact des premiers rayons du soleil, combinée à l'évaporation de la rosée matinale dans les fissures du quartzite, produisait ces vibrations sonores caractéristiques.
Les descriptions du "chant" varient selon les observateurs. Les témoins rapportent différents types de sons :
Strabon évoque "un bruit analogue à celui que produirait un petit coup sec"
Pausanias le compare au "son d'une corde de cithare ou de lyre qui se rompt"
Tacite décrit "le son d'une voix humaine"
Par ailleurs, ce phénomène acoustique attirait de nombreux pèlerins et visiteurs illustres. Les voyageurs gravaient fréquemment leurs témoignages sur la pierre, laissant des inscriptions en grec et en latin avec la mention "audi Memnonem" ("j'ai entendu Memnon").
Ainsi, l'empereur Hadrien lui-même visita le site en 130 ap. J.-C., accompagné de son épouse Sabine.
Cependant, le "chant" des colosses cessa définitivement après une intervention majeure. En 199 ap. J.-C., l'empereur Septime Sévère, désireux d'honorer la divinité qui se manifestait chaque matin, ordonna la restauration de la statue.
Néanmoins, cette tentative de réparation eut un effet inattendu : l'ajout de treize blocs maçonnés répartis en cinq assises forma une sourdine qui étouffa le phénomène vibratoire.
Les experts modernes expliquent que la restauration modifia les propriétés acoustiques de la pierre. En effet, John Herschell attribue la sonorité originelle aux "dilatations et expansions pyrométriques de la matière hétérogène" dont la statue était formée.
Cette explication scientifique corrobore les observations des savants de l'époque qui notaient déjà l'importance des variations de température dans la production du son.
À travers les siècles, les colosses de Memnon ont exercé une fascination unique sur leurs visiteurs, devenant l'une des attractions les plus emblématiques de l'Égypte antique.
Les colosses sont rapidement devenus un lieu de pèlerinage privilégié pour les Grecs et les Romains. En effet, de nombreux visiteurs de l'antiquité considéraient le site comme un oracle, cherchant à obtenir des réponses divines à leurs questions.
Par ailleurs, cette pratique était si répandue que les pèlerins laissaient systématiquement des graffitis sur la base des statues, accompagnés de la mention "audi Memnonem" ("j'ai entendu Memnon"), de leur nom et de la date de leur passage.
Les visites impériales ont notamment marqué l'histoire du site. Ainsi, en 130 après J.-C., l'empereur Hadrien et son épouse Vibia Sabina ont effectué un voyage mémorable, documenté par quatre épigrammes de la poétesse Julia Balbilla.
Néanmoins, leur première visite fut décevante car la statue resta silencieuse, les obligeant à revenir le lendemain pour entendre le fameux chant.
Les inscriptions anciennes révèlent que les visiteurs venaient de toutes les classes sociales et de toutes les régions. Ces témoignages gravés dans la pierre constituent aujourd'hui une source précieuse d'informations sur la vie et les croyances des pèlerins antiques.
De nos jours, les colosses de Memnon continuent d'attirer des visiteurs du monde entier. Notamment, leur emplacement stratégique entre Louxor et la Vallée des Rois en fait une étape incontournable des circuits touristiques.
Les voyageurs contemporains, bien que ne pouvant plus entendre le mystérieux chant, sont particulièrement impressionnés par :
La présence imposante des statues au milieu des champs de canne à sucre
Les inscriptions anciennes qui témoignent de milliers d'années d'histoire
La possibilité d'imaginer la splendeur du temple disparu
Par ailleurs, le site bénéficie depuis les années 1990 d'une attention accrue de la communauté internationale. En effet, l'archéologue Hourig Sourouzian a réussi à faire inscrire les colosses sur la liste des 100 monuments les plus en danger du Fonds mondial pour les monuments en 1998.
Cependant, cette reconnaissance a conduit à d'importantes campagnes de conservation qui permettent aujourd'hui aux visiteurs de mieux apprécier la grandeur de ces monuments millénaires.
La préservation des colosses de Memnon représente un défi constant face aux multiples menaces qui pèsent sur ces monuments millénaires. En effet, leur conservation nécessite une vigilance particulière et des interventions régulières pour assurer leur pérennité.
Les colosses font face à plusieurs défis environnementaux majeurs. Notamment, l'érosion naturelle causée par le vent et le sable menace constamment l'intégrité des statues.
Par ailleurs, la montée des eaux souterraines met en péril les fondations des monuments, un problème particulièrement préoccupant dans la région de Louxor.
Les principales menaces qui affectent les colosses sont :
L'eau d'irrigation des champs environnants et la cristallisation du sel
La végétation envahissante dont les racines peuvent traverser la pierre
Les variations climatiques extrêmes
Le développement urbain et les activités agricoles croissantes
En outre, le tourisme de masse exerce une pression considérable sur le site. Les nombreux visiteurs peuvent entraîner une dégradation supplémentaire, particulièrement autour de la base des statues.
Ainsi, la préservation de ces monuments nécessite un équilibre délicat entre l'accessibilité au public et la protection du patrimoine.
Face à ces défis, d'importantes initiatives de conservation ont été mises en place. Notamment, depuis 1998, "The Colossi of Memnon and Amenhotep III Temple Conservation Project" œuvre sous l'égide du Ministère de Tourisme et d'Antiquités et l'Institut archéologique allemand.
Ce projet ambitieux vise à préserver les vestiges du temple à leur emplacement d'origine.
Les travaux de restauration ont déjà permis des avancées significatives. Par exemple, le site s'est enrichi de deux nouveaux colosses du roi en quartzite, tandis qu'une paire colossale en travertin attend d'être remontée.
Par ailleurs, une stèle monumentale et des colosses du roi en granite rouge ont été restaurés dans la Cour Péristyle.
Les techniques modernes jouent un rôle crucial dans ces efforts de conservation. En effet, la numérisation 3D et l'analyse approfondie des matériaux permettent désormais une approche plus précise et scientifique de la restauration.
Ces innovations technologiques, combinées aux méthodes traditionnelles, assurent une préservation optimale des monuments.
La mission de conservation emploie également une dimension sociale importante. Notamment, le projet forme des centaines d'ouvriers locaux aux différentes techniques de restauration, contribuant ainsi au développement économique de la région.
De plus, plusieurs étudiants égyptiens en égyptologie ou en restauration participent chaque année aux travaux, assurant la transmission des connaissances aux générations futures.
Les Colosses de Memnon représentent bien plus qu'un simple vestige de l'Égypte antique. Ces gardiens millénaires témoignent de l'extraordinaire maîtrise technique des bâtisseurs de l'époque d'Amenhotep III, ainsi que de leur capacité à créer des monuments qui transcendent le temps.
Certainement, le phénomène acoustique qui fit leur renommée pendant près de deux siècles reste gravé dans l'histoire, tout comme les nombreuses inscriptions laissées par les visiteurs antiques.
Ces témoignages, associés aux efforts constants de préservation, permettent aujourd'hui de mieux comprendre l'importance culturelle et historique de ces monuments.
Les défis actuels de conservation démontrent la nécessité de protéger ce patrimoine exceptionnel.
Grâce aux techniques modernes et aux projets de restauration ambitieux, les Colosses continuent d'impressionner les visiteurs, perpétuant ainsi leur rôle de témoins privilégiés de la grandeur de la civilisation égyptienne.
Q1. Où sont situés les Colosses de Memnon ?
Les Colosses de Memnon se trouvent sur la rive ouest de Thèbes, en Égypte. Ils sont positionnés face à l'est, regardant vers le soleil levant et le Nil.
Q2. Quelle est l'origine du nom "Colosses de Memnon" ?
Le nom "Colosses de Memnon" provient d'une confusion historique. En réalité, ces statues représentent le pharaon Amenhotep III, mais les Grecs les ont associées au héros mythologique Memnon.
Q3. Quel était le phénomène sonore associé aux Colosses ?
Au lever du soleil, la statue nord émettait un son mystérieux, décrit comme un chant ou un sifflement.
Ce phénomène, qui a duré près de deux siècles, était dû à la dilatation thermique de la pierre et à l'évaporation de la rosée dans ses fissures.
Q4. Pourquoi le "chant" des Colosses a-t-il cessé ?
Le son a cessé après une tentative de restauration en 199 ap. J.-C. par l'empereur Septime Sévère.
L'ajout de blocs de pierre a modifié les propriétés acoustiques de la statue, mettant fin au phénomène sonore.
Q5. Quels sont les principaux défis de conservation des Colosses de Memnon ?
Les Colosses font face à plusieurs menaces, notamment l'érosion due au vent et au sable, la montée des eaux souterraines, les variations climatiques extrêmes, et la pression du tourisme de masse.
Des efforts de restauration sont en cours pour préserver ces monuments historiques.
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